{D'abord, il y a eu la lumière. J'avais beau avoir les yeux fermés, je sentais une vive lueur franchir la barrière de mes paupières, si bien que je mis un moment avant d'arriver à entre-ouvrir les yeux, ma main peinant à me faire de l'ombre. Puis vint une douleur sourde à l'arrière de mon crâne. Passant une main, je sentis une légère bosse ; j'avais dû me cogner vraiment très fort pour avoir aussi mal. Décidant de m'asseoir, une nouvelle douleur encore plus vive au niveau de mon estomac m'arracha une grimace. Qu'est-ce qu'il m'était arrivé bon sang ? Et où j'étais ? Regardant tout autour de moi, je ne vis que des murs blancs, et une odeur de propre et de médicaments planait dans l'air.

Ce ne fut que lorsqu'une infirmière entra dans la pièce et commença à s'occuper de moi que je compris que je me trouvais dans un hôpital. On me posa des questions, mais pas tant que ça, en fait. Quand ils réalisèrent - et moi également par la même occasion - que j'étais victime d'amnésie, ils se mirent à me faire faire tout un tas de tests et autres IRM. Au final, d'après les médecins, j'aurais subi un choc émotionnel qui, combiné au coup sur la tête, aurait provoqué une amnésie totale. Et ils ont fini par ajouter que je devrais travailler dur et faire beaucoup d'efforts pour retrouver la mémoire, mais que c'était possible et que ça demanderait surtout du temps.

Je suis restée un mois à l'hôpital. On m'apprit que j'avais été victime d'une agression, qu’apparemment, on m'avait d'abord frappée violemment à la tête avant de me poignarder à plusieurs reprises au niveau de l'abdomen. Un crime passionnel comme le disaient les officiers de police qui étaient venus m'interroger. J'avais dû être vraiment horrible pour subir ça, non ? Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, durant ce long mois passé à errer dans les couloirs blancs et tristes, je n'ai pas reçu beaucoup de visites, ah ça, non. L'une d'entre-elles était le vice-président de la compagnie de mes parents. Il m'a ensevelie sous tout un tas d'informations que j'ai eu du mal à retenir. Il me raconta que mes parents étaient morts depuis quatre ans, que j'étais leur seule héritière et que j'étais donc à la tête de leur "empire". Enfin, façon de parler parce que c'était le vice-président en question qui gérait tout, moi, apparemment, je me contentais de vider mon compte en banque qui se remplissait toujours automatiquement, comme par magie.

Après sa visite, il m'assura qu'il s'occuperait de tout, que je devais simplement me charger de retrouver la mémoire. Il avait vraiment l'air touché par cet incident et mon état. Après ça, en fouillant dans mes affaires, j'ai découvert qu'il était un vieil ami de mon père et qu'il me connaissait depuis ma naissance. J'ai même l'étrange envie de penser que j'étais plus proche de lui que de mes propres parents, mais il n'a toujours pas trouvé le temps de me parler de ma vie.

Finalement, quand je fus entièrement rétablie – physiquement je veux dire – je pu enfin quitter l'hôpital. Je suis retournée vivre dans mon appartement, mais je n'y suis pas retournée seule. En effet, quand monsieur le vice-président promit qu'il s'occuperait de tout, cela incluait également une "nounou" qui ne me lâcherait plus d'une semelle - il a préféré utilisé le terme de "gardien", mais ça revient au même. Bien qu'un peu surprise et réticente à l'idée d'être constamment surveillée comme une enfant, je ne peux nier que cette présence me rassurait, et c'est encore le cas aujourd'hui. Je repris donc le cours de ma vie, du moins, j'essayais. Après tout, comment faire "comme d'habitude" quand on a oublié comment c'était ?

Quoiqu'il en soit, cela fait déjà un mois que ça dure. Plusieurs souvenirs me sont revenus, mais ils restent flous et bien souvent, ils ne m'apprennent pas grand-chose. J'aimerais également éclairer cette affaire d'agression, parce que le responsable court toujours, bien entendu, chose qui ne m'aide pas vraiment à fermer l'œil la nuit d'ailleurs. Qui plus est, je sais que mes cauchemars ont un rapport avec ça, et j'ai vraiment envie qu'ils cessent. Pourtant, quelque chose m'effraie dans le fait de découvrir la vérité, après tout, quand on y réfléchit, c'est sûrement pour une bonne raison que j'ai oublié tout ça, non ? Un choc émotionnel, c'est pas rien quand même ...