Grosse journée ? Pas vraiment, pour cette fois-ci. Voire même, pas du tout. Pas un seul client aux alentours, Hyun Jae peste un peu à rentrer chez lui les poches pleines de sachets de cocaïne. C’est chose rare dans le domaine, et si le jeune homme a déjà eu ses nuits creuses, il lui semble qu’il n’a jamais connu une seule soirée sans le moindre client. Enfin, tout du moins dans ce dont il se souvient. Le dealer rentre donc bredouille, sans la moindre dose rendue. Il s’apprête à prendre un bus de nuit, mais passant devant une épicerie de nuit, il se dit que faire quelques courses pour remplir un peu son estomac vide ne serait pas du luxe. Il entre donc dans le dit établissement, sans prendre la peine de saluer l’employé de caisse. Il ère un peu au hasard des rayons, sans trop savoir que prendre…

Près de cinq minutes passent, tandis qu’il déambule dans les rayonnages, son regard parcourant les différents produits proposés… Quand finalement, son choix se pose sur quelques friandises et autres boissons. De quoi contraster avec l’air grave de son visage, qui ne colle pas toujours à son visage pourtant encore enfantin. Il se dirige alors vers la caisse, dépose ses articles sur la surface plane de la caisse, et laisse l’employé faire son travail. Un jeune homme de son âge peut-être, plutôt mignon, l’air peu affirmé. Un salarié lambda qui travaille de nuit pour subvenir à ses besoins, pense Hyun Jae. L’inconnu annonce le prix, le dealer sort un portefeuille presque vide. Hah… En effet, il n’avait pas pensé à ce problème. Le jeune homme lève le regard de son portemonnaie d’où il sort un billet insuffisant pour régler l’addition, plantant ses yeux dans ceux du caissier ; « Vous me faîtes une ristourne ? » dit-il avec un sourire mignon pour attendrir l’employé. Et pourtant, ce sourire est bien à l’opposé du regard dur qu’il a, signifiant clairement que son interlocuteur n’a pas intérêt à refuser…

De toutes évidences, Hyun Jae n’est pas vraiment satisfait de la réponse de l’employé. Autrement dit, un refus. Et en toute honnêteté, il n’a ni l’intention de rentrer encore plus bredouille qu’il ne l’est déjà, ni de renoncer à l’un des produits qu’il a exposé sur le comptoir. Il rigole doucement, faussement gêné aux déclarations du jeune homme… Une main vient se faufiler sur sa nuque pour gratter doucement une petite parcelle de peau. Son regard s’abaisse quelques secondes sur la surface plane de la caisse, avant de se relever vers le caissier, tandis que sa main se faufile à nouveau dans sa poche. « Excusez-moi, je crois qu’il y a eu une méprise. » dit-il d’une petite voix, un sourire toujours enfantin étirant ses lèvres.

Le jeune dealer sort cette fois ci ses deux mains de ses poches. Il les sert, et pose ses deux poings sur le rebord du comptoir, pour se donner un appui. Il bascule doucement en avant pour s’approcher un peu, un nouveau petit rire s’élevant. Toujours ce même sourire aux lèvres, il dit sur un ton amical, quoi qu’autoritaire ; « Ce n’était pas vraiment une question, en fait. Faîtes-moi une ristourne. » Une petite pointe glaciale, prouvant qu’il n’est pas vraiment prompt à la négociation… Et quoi que l’on puisse croire malgré son visage juvénile, Hyun Jae est bien loin de ces impressions qu’il dégage.

Le fait même que l’employé explique à Hyun Jae le principe d’un magasin a de quoi l’agacer prodigieusement. On a beau se donner des airs enfantins, on n’apprécie pas nécessairement être traité comme tel… Et c’est typiquement le cas du jeune dealer, qui se sent incroyablement énervé face à un tel comportement. Il lâche un soupir franchement lassé, tandis qu’il répond d’instinct, dans un anglais parfaitement maîtrisé ; « No kidding ? Thanks captain obvious. » dit-il en s’approchant encore du vendeur en lui adressant un sourire des plus cyniques, le regard agressif, plus vraiment disposé à agir de façon faussement agréable.

« Ça va, arrête de te payer ma tête. » dit-il, passant soudainement au tutoiement sans grande raison. Le jeune homme reste quelques secondes à considérer son vis-à-vis, silencieux quelques secondes. Les poings toujours appuyés sur le comptoir, Hyun Jae recule un peu pour croiser les bras. Il reste muet encore quelques courts instants, le temps de contempler l’employé, et de se calmer un peu pour se faire plus courtois. Si aucun sourire ne vient à nouveau étendre ses lèvres, ses traits se détendent un peu, avant qu’il ne tente le bluff ; « J’ai une entente avec le patron. Tu penses que je te demanderais une ristourne, sans ça ? »

Ses lèvres s’étirent doucement suite à cette demande, en un sourire un peu plus avenant cette fois-ci. Son regard s’adoucit vaguement, tandis que sa curiosité est vaguement piquée. Comment peut-on engager de vraies négociations sans connaître son vis-à-vis ? « Tu t’appelles… ? »